Ouessant... Il était une fois une île...

dimanche 31 octobre 2010

Maison d'île



Maison des îles en bleu et blanc
En mer Egée ou à Ouessant
Le fard est lourd à mes paupières
Ma robe est blanche sur la pierre
Et quand le vent me la soulève
C’est pour découvrir mon derrière
Moi Vénus callipyge je t’offre
Plus qu’un trésor en son vieux coffre
Mais tout l’intérieur de ma chair
Pour t’abriter ce n’est pas cher
Que le prix d’un ravalement
Si je te trompe avec le vent
Et si parfois la mer me lèche
A cause de ma peau de pêche
C’est que le devant vaut l’arrière
De quoi te plains-tu grand enfant
Tu es quand même mon amant




samedi 30 octobre 2010

Nuit de tempête



Flash d’embruns
Sur rochers bruns
Crash de brume
Dont la nuit fume
Des murs de sel
Mouillés de lune
S’allument au loin

Sans bien savoir
D’où dans le noir
Le bruit entoure
Le bruit rend sourd
La pluie ruisselle
Gonfle l’écume
Comme un chagrin

Tel un derviche
Phare s’en fiche
Il tourne et vire
Prêt à périr
Pour cette belle
Nuit d’infortune
Au bruit de train

Des diamants verts
Sautent en l’air
Et des cristaux
Font des éclairs
Alors Cybèle
Déchire sa chair
De ses deux mains

L’orage gronde
Jette sa fronde
Et le Cyclope
En lycanthrope
Devient mortel
C’est pas Cythère
Vraiment ça craint

vendredi 29 octobre 2010

Le moulin


C’est quoi ce moulin sans sa toile
Alors que le vent met les voiles
Aux vacanciers
« Laisse-moi donc je suis tranquille
Je veux profiter de mon île
Sans travailler

J’ai assez croqué de grains d’orge
Fariné jusqu’à rendre gorge
A en pleurer
J’ai fait et leur pain et leur beurre
Et j’espère aussi leur bonheur
A mouliner

Là-bas j’aperçois mon copain
Qui n’a plus de vie en son sein
Tout comme moi
Mais qui s’éteint tous les matins
Et s’allume entre loup et chien
Le pauvre gars

Le roi n’était pas son cousin
Il n’aurait pas passé la main
Pour un empire
Mais qu’il devienne un mort vivant
Un zombie passé hors du temps
C’est encore pire

Il se prenait pour Pharaon
Pour le roi de la Créac’hion
Comme il disait
Mais dressé jailli des bruyères
Il était grand il était fier
Et le savait

Le soir venu de sa lumière
Il repeignait la nuit en clair
Et c’était beau
De savoir qu’un homme de chair
Veillait sur l’humeur de la mer
Et les bateaux


jeudi 28 octobre 2010

Crépuscule


La mer est d’huile
Le ciel est d’eau
Mais où sont passés les oiseaux
La mer est d’huile
Le ciel est d’eau
Ils ont voulu monter trop haut

Sur la mer d’huile
Le ciel d’en haut
Lui-aussi reflète des îles
Des îles de ouate
Et des îles d’eau
Qui s’endorment au soir écarlate

Douces idylles
Grands idéaux
Bousculés par le temps qui passe
Belles sibylles
Beaux généraux
Vous venez de perdre la face

                                                                  

mercredi 27 octobre 2010

Bravery



En deuil voici mes goélands
Si le cormoran s’en bat l’œil
C’est qu’il était noir bien avant

Ce joueur « Olympic » du malheur
Vient de s’épancher de bon cœur
Larmes noires sur mes rochers

Je téléphonais à ma mer
Quand son appel prioritaire
M’empêcha de communiquer

Alors est tombée sa colère
SOS ou pas il est clair
Qu’elle n’aime pas être coupée

Et le tanker en deux morceaux
A continué de prendre l’eau
Pendant des années chez ma mer

« Par bonheur tu n’étais pas plein »
Lui dit-elle encor le matin
En lui servant un autre verre


mardi 26 octobre 2010

Les brigands





Mollelaine et Fouettesang
Sont les deux brigands de l’Iroise
Leur dur regard au large toise
Les bateaux qui au large croisent
Sans voir le danger qui attend

Mollelaine dit à Fouettesang
Ne vois-tu la grosse pansue
Belle replète aux flans tendus
Qui fend le flot sombre et moussu
Bon Sang mais qu’est-ce que tu attends !

Mollelaine dit à Fouettesang
Avec deux pinces comme les tiennes
Ca fait longtemps qu’à cette chienne
J’aurais fait une césarienne
Que j’aurais sucé tout son sang

Fouettesang dit à Mollelaine
Ca te va bien de conseiller
Cette crevette est en acier
Aurais-tu déjà oublié
Espèce de chauve tire-laine !

Mollelaine dit à Fouettesang
Tu confonds crevette et baleine
De l’acier tu dis quelle aubaine
Plus fragile que la porcelaine
Tu te fais vieux mon vieux brigand !

Fouettesang dit à Mollelaine
Je sais ce qui fait ses entrailles
Qu’il les garde loin et s’en aille
Qu’il s’appuie sur son gouvernail
Il a bien trop mauvaise haleine

Fouettesang dit à Mollelaine
Naufrageurs ou petits enfants
Surtout jamais ne te méprends
Je n’oublie pas le goût du sang
Qu’ont les hommes quand ils se déchaînent


lundi 25 octobre 2010

Ambiance

Sur la lande le mouton court
A perdre la laine
Dans la brume le bateau corne
A perdre haleine
Le goéland en devient sourd
Et se déchaîne
En piquant vers les salicornes
Au milieu des baleines à cornes

Sur la grève le mouton meurt
Vagues s’enchaînent
Renaissant mille fois dans l’heure
Vagues sans chaînes
La mousse crisse les graviers glissent
Et se démènent
Bulots bigorneaux se bigornent
Au son velouté du cromorne

Flottant sur l’air le mouton court
Le souffle court
A raz des mottes flaques et gours
L’essoufflé court
Bruine fine fait des senteurs
A toute vapeur
Pendant que le Fromveur s’échine
A repousser le cours des heures

Dans la marmite le mouton cuit
Près des bigotes
Il mijote au milieu des mottes
Sous la « big » hotte
Pendant que les mains jointes elles prient
Les âmes errantes de leur mari
Que la mer leur a pris trop tôt
Sont cuits aussi les haricots


dimanche 24 octobre 2010

Le roi de lumière...



Oui, c’est un roi, mon père
Il vit dans un château
Dans une tour de lumière
Avec autour de l’eau
A l’entour de ses terres

S’il est si solitaire
C’est que la mer jalouse
Ne veut pas d’autre épouse
Bien qu’elle ait tant d’amants
Et autant de rivages
Où alanguie s’étend
Telle qu’en autant de lits

Alors sans faire de bruit
Sur la pointe des pieds
Mon père retourne à terre
Moi sage petit page
Je regarde ma mère
Faire un long pied de nez
Bisque rage à la mer
Qui a le dos tourné

J’imagine ma mère
Alanguie qui s’étend
Doucement sous mon père
Alors que haut dans l’air
Les ors de sa couronne
Illuminent la mer
Continuent de briller
Dans la nuit qui s’étonne
De sa complicité

Oui c’est un roi mon père
Et ma mère est sa reine
Moi je suis l’héritier
De ces rais de lumière
Qu’à deux ils m’ont offerts
Quand la nuit a courbé l’échine
Quand la mer a tourné le dos
Aux portes closes du lit-clos


Création...

-         Regarde, Papa, mon caillou… Il a la forme d’un crabe !… Je peux le garder ?
       -    Pas question ! Tu l’as jeté… Tu dois le laisser là où il est tombé ! 

Laisse-moi rêver d'une île...


Laisse-moi rêver d’une île
Que le monde pour une fois soit
A ma dimension à moi
Que tout ce gigantisme hostile
Disparaisse se fonde se noie

Laisse-moi rêver d’une île
Où le vent sculpte les visages
Et grave de profondes rides
Autour des yeux bleu-horizon
Au creux des mains et sur les fronts

Laisse-moi rêver d’une île
Aux bateaux comme des flambeaux
Aux oiseaux comme des roseaux
Où le phare solidarité
N’est pas un décor un vain mot

Laisse-moi rêver d’une île
Où le vent sème les maisons
Comme il éparpille les graines
Comme il égraine les moutons
Dans les genêts dans les ajoncs

Laisse-moi rêver d’une île
Ce n’est pas vraiment difficile
Tu deviens de plus en plus sage
Chaque jour témoin de l’idylle
Entre la mer et le rivage

J’ai ce qu’il te faut dit le vent
Au milieu de la mer d’Iroise
Là où de forts courants se croisent
J’ai ce qu’il te faut dit le vent
Les marins l’ont nommée Ouessant

Savais-tu...



Savais-tu en naissant qu’il y avait des îles
Qui étaient comme autant de bateaux immobiles
Aux multiples étraves aux fanaux surpuissants
Qu’un dieu fou un matin dans un rire dément
Avait figés ancrés amarrés à jamais

A jamais c’est pas sûr, répondit la vieille dame
Suffirait d’une grosse lame, en route pour l’aventure !

Savais-tu en naissant qu’il y avait des îles
Qui étaient comme autant de bateaux inutiles
Des cargos affrétés par le temps et la vie
Trop chargés de rochers ils ne sont pas partis
Et les voilà ancrés amarrés à jamais

A  jamais c’est pas sûr, répondit la vieille dame
Suffirait d’une grosse lame, en route pour l’aventure !

Savais-tu en naissant qu’il y avait des îles
Qui étaient comme autant de petits points perdus
Moucherons oubliés sur la toile de Neptune
Si le souffle d’Eole venait casser ces fils
Elles couleraient à pic englouties à jamais

A jamais c’est pas sûr,  répondit la vieille dame
S’il est des continents qu’on a jamais revu
Des îles sont revenues…
Il suffit d’une grosse lame, en route pour l’aventure !

Savais-tu en naissant qu’il y avait des îles
Qui n’avaient comme voile qu’un linge sur un fil
Comme mât un grand phare et comme cargaison
N’en déplaise à Panurge, des troupeaux de moutons
La dérive bloquée, ensablées à jamais

A jamais c’est pas sûr, répondit la vieille dame
Si nous toutes on étend nos robes et nos draps
Il suffit que le vent vienne à claquer des doigts
Il suffit d’une grosse lame, en route pour l’aventure !

 Savais-tu en naissant qu’il y avait des îles
Qui étaient comme autant de bateaux inutiles
Habitées par des femmes toutes habillées de noir
Espérant un retour dans la lumière du phare
Ne sachant naviguer coincées là à jamais

A jamais c’est pas sûr répondit la vieille dame
Car vouloir naviguer n’est rien qu’un état d’âme
Suffirait d’une grosse lame, en route pour l’aventure

Interview... Aujourd'hui...

Intérieur d’une vieille femme de pêcheur.


«  Dans le temps, quand j’étais partie à l’école, j’savais pas un mot de français…

     Moi, j’ai souvenir de l’enfance. On allait à la pêche. Y avait toujours un vieux avec sa gaule… et puis y avait tout un rite, puis, heu… j’crois qu’les gens de l’époque n’étaient pas pressés.
      Ils avaient le temps de tout faire, parce qu’ils faisaient beaucoup de choses et même ils pouvaient ne rien faire.

      Toute façon, y a un temps, la vie c’est ça, c’est indispensable. On a un temps ici, un temps là. Un temps de souffrance, un temps de joie et c’est ça continuellement.

      C’est pas à chanter et à danser qu’on a passé la vie. On trouvait grâce d’aller au lit le soir.

      Ah ! Oui… On met les photos un peu partout pour voir la famille, quoi… tout ça… Oui, celle-là c’est ma sœur qui est là. Celle-là c’est une cousine à moi et à ma sœur, là-bas aussi.
      Tout ça c’est la famille, quoi…

      Oui… Oui… Oui… Oh ! Oui, on a le temps maintenant que j’ai quatre-vingts ans, je crois que je suis née d’hier. Alors, vous voyez comment que c’est !

Et votre mari ?…

Il a péri en mer… Corps et biens. Ca fait vingt-trois ans. Pour moi c’est pénible, bien sûr, d’être seule.

Lors d’un sauvetage ?

Non, avec son bateau, à Pern. Ce coin est très dangereux. Il y en a d’autres qui ont péri là encore… »
   

Un peintre.

« On a tellement de choses en nous qu’on étouffe et moi j’essaye de me libérer comme ça ; c’est une libération si l’on veut. »



Une femme artisan.

« L’avenir ? Je n’y pense pas encore. On verra après. Je ferai du tissage pendant quelques années puis après on verra bien. Je ne sais pas encore… »



Une femme âgée.

«  Ah ! Oui… Ca, le tissage je sais que y en a… Oui, que y en a… Je sais pas mais le tissage j’ai jamais vu comment qu’y faisaient.
J’ai pas été les voir ni rien. Non je sais pas…
C’est dommage ?
Y en a même un potier, oui je crois, qui fait la poterie.
Je sais pas comment qu’il travaille par exemple. Faudrait que vous alliez le voir…

Vous aussi vous devriez aller le rencontrer…


-  Oh ! Non… Oh ! Non… Pensez-vous ! Moi j’ai pas besoin de ça, hein ! Moi, je fais mon tissage moi-même… Je fais… On file la laine et puis on tricote, et oui, moi, je tricote beaucoup. »



Des jeunes.

« Je veux m’installer ici, rester ici… rester vivre ici. Pas question d’aller habiter en ville, dans une autre ville ou ailleurs !

Moi, j’ai envie de faire menuisier, car j’ai envie de rester à Ouessant. Oui, j’ai pas envie d’aller autre part, moi !

Y a pas de travail, y a rien. Faut faire quelque chose pour partir de ce pays. Y a pas d’boulot !

Moi j’veux quitter l’île et puis j’vais faire footballeur professionnel !

Moi, j’veux faire paysan et je quitterai pas l’île.

Vétérinaire, pour soigner les animaux…

Moi, je voudrai bien soigner les oiseaux, et les élever aussi.

Moi, je veux rester ici et je veux faire maîtresse d’école.

Moi, j’veux faire marin d’état.

J’voudrai être potier. »



Une femme âgée.

« Je m’occupe pas des choses des autres familles. Non, je les connais mais je m’occupe pas…
Quand on est heureux, on n’a pas a demander plus.

J’suis bien contente de vivre comme ça, mais quand on voudra, moi, je suis parée pour aller. Ca ne dirait  rien du tout… Je sais que j’ai passé ma vie sur la terre, c’est le tour des autres.

Là… Voilà la malheureuse mort à Brest. On a pas pu mettre ses effets à elle pour aller en terre… »