Faune

Je suis toujours entre deux eaux

Comme une murène à Molène

Qui commanderait au restau

Un homard à l’américaine

Je suis toujours entre deux ages

Un renégat bernard-l’hermite

Qui a perdu son coquillage

Et qui recherche un nouveau gîte

Je suis un peu bar au comptoir

A admirer le raz de sein

De crevettes aux doux yeux noirs

Onduleuses du bas des reins

Peut-être le dernier dauphin

Sans ni couronne ni royaume

Un chevalier errant sans rien

Qu’un vieux pourpoint et un vieux heaume

Ou non loin d’Ouessant solitaire

Fier de sa défroque un vieux phoque

Dans sa moustache soliloque

Hagard et regardant la mer

Peut-être pingouin dans son frac

C’est mieux que de s’en aller nu

Mais ne mélangez pas en vrac

Queue de pie et queue de morue

Assis sur un banc de sardines

Aux reflets huileux et changeants

Heureux je vois fuir d’autres bancs

Car au milieu le requin dîne

Hippocampe j’ai un peu froid

Des frissons dans le bas du dos

Ces eaux-là ne sont pas pour moi

Mais mes enfants me tiendront chaud

 Que d’histoires que de fantaisie

Autant je me coucherais tôt

Je veux croire qu’au fond de mon lit

Dans le noir m’attend Erato